200414 News Coton Inde

Du coton Bt africain infesté par des punaises rouges, responsables de dommages importants à la qualité des fibres de coton. Photo: PELUM Swaziland

Le coton Bt est un coton transgénique, modifié génétiquement par l’insertion de gènes de la bactérie Bacillus thuringiensis. La culture du coton Bt a été promue dans de nombreux pays en développement en promettant aux cultivateurs une réduction importante des applications d’insecticide supplémentaire et des rendements plus élevés. Notre revue actuelle de la situation révèle que le coton Bt menace l’existence des petits agriculteurs qui ne réalisent pas les profits escomptés et favorise l’émergence de nouveaux parasites du coton.

Le coton Bt est un coton transgénique, résultant de l’insertion de parties du matériel génétique de la bactérie Bacillus thuringiensis dans la plante de coton. L’abréviation Bt est directement dérivée du nom de la bactérie. Les gènes bactériens transférés dans le coton servent à produire des protéines toxiques pour les larves de lépidoptères (mites, papillons,…). Le coton produit en permanence son propre insecticide qui tue les larves qui se nourrissent de la plante. La culture du coton Bt a été promue dans de nombreux pays en développement. Elle devait permettre de réduire les pertes de production dues aux parasites et réduire les quantités d’insecticides appliquées aux cultures. Les promesses de vente du coton Bt étaient donc de réduire les coûts d’achat de produits chimique et d’augmenter la production afin de remplir le portefeuille des producteurs de coton. Mais de nombreux exemples sur le terrain montre que ces promesses ne se sont pas réalisées.

Échec de la lutte contre les parasites

Le coton Bt repousse des insectes spécifiques tels que la noctuelle Helicoverpa armigera, un papillon dont les larves se nourrissent du coton. Les toxines produites par le coton transgénique ne sont pas efficaces contre d’autres parasites. Comme le coton Bt est cultivé en monoculture, l’espace de vie laissé libre par l’armigère est occupé par d’autres insectes qui vont éventuellement endommager se nourrir à leur tour des plantes de coton. L'exemple du coton Bt dans le royaume d'Eswatini (anciennement le Swaziland) illustre bien cette situation : l'élimination de la noctuelle du coton signifie que la punaise rouge du coton (Dysdercus cingulatus) est désormais plus fréquente. Cet insecte se nourrit des graines de coton, réduisant ainsi la taille des fleurs de coton et laissant des taches sur les fibres, ce qui réduit la qualité de la récolte.

Une étude à long terme menée en Inde illustre un autre aspect qui explique pourquoi le cotonnier génétiquement modifié ne constitue pas une réponse à long terme aux parasites : le parasite ciblé a développé une résistance à la toxine Bt à laquelle il est constamment exposé. Au fil du temps, il s'est donc propagé particulièrement rapidement dans les champs de coton, ce qui a entraîné l’utilisation d’insecticides supplémentaires et une augmentation de la consommation d'insecticide.

Afin de diminuer l’apparition de résistances, 20 % de plantes conventionnelles devraient toujours être cultivées autour des champs de coton Bt - ce qu'on appelle les zones de protection. Dans ces zones, une partie de la population d’insectes n’est pas exposée constamment à la toxine Bt et ne développe pas de résistance aussi rapidement. Autrement dit, une partie des insectes restent sensibles à la toxine, tout en transmettant cette susceptibilité à leur progéniture. Mais, pour que cette technique fonctionne, il est important que la période de floraison et de fructification des plantes cultivées dans la zone « de protection » corresponde à celle du coton Bt. Cela restreint considérablement l'éventail des variétés. Par exemple, les cultures de tomates, de gombo et de pois d'Angole qui sont populaires en Inde ne sont plus cultivées à proximité du coton Bt. Alternativement, si les agriculteurs décident d'utiliser du coton conventionnel dans la zone de protection, les semences ne sont souvent plus disponibles sur le marché local car 90 % du coton cultivé est génétiquement modifié. Il arrive également que les producteurs de coton ne soient pas suffisamment informés sur l’utilité des zones de protection et renoncent à cette mesure. Par exemple, l'organisation PELUM Swaziland n'a pu recueillir aucune information des autorités compétentes indiquant qu’une telle formation des cultivateurs de coton avait eu lieu dans le royaume d'Eswatini.

L'existence des petits agriculteurs menacée

En adoptant le coton Bt, les producteurs font face à une augmentation des dépenses. En comparaison locale, les graines de coton Bt sont chères. Les semences des multinationales agricoles sont protégées par des brevets et doivent être achetées chaque année. L’augmentation des résistances nécessite l’achat d’insecticides supplémentaires. En outre, le coton Bt n'est pas plus productif que les variétés conventionnelles à long terme. En conséquence, de nombreux petits exploitants tombent dans le piège de l'endettement en cultivant des plantes génétiquement modifiées, une des raisons du taux de suicide élevé parmi les agriculteurs en Inde. Seules les grandes entreprises agricoles s’enrichissent de cette dépendance des agriculteurs.

La culture du coton Bt met également en péril la sécurité alimentaire des petits agriculteurs : premièrement, en raison de l'endettement, les agriculteurs ne peuvent plus se permettre d'acheter de la nourriture et deuxièmement, le coton Bt non comestible est cultivé dans des champs où, auparavant, une grande variété de cultures vivrières était cultivée pour l'autosuffisance.

La perte de biodiversité n'est qu'une des conséquences négatives de la disparition des variétés végétales traditionnelles et indigènes qui se sont adaptées aux conditions climatiques locales pendant de nombreuses années. Outre la diversité, la résilience s'amenuise également. Bien que la plante génétiquement modifiée soit protégée contre des parasites spécifiques, elle n'est pas protégée contre les changements agro-climatiques, qui sont plus fréquents et plus graves en période de changement climatique. En d'autres termes, le coton Bt ne résiste pas à la sécheresse et présente donc des risques existentiels supplémentaires pour les petits agriculteurs. Dans le Royaume d'Eswatini, par exemple, un grand nombre de petits agriculteurs ont abandonné la culture du coton Bt en raison d'une sécheresse prolongée en 2014. Seuls les agriculteurs riches, qui peuvent prendre des risques financiers grâce à la diversification de leurs revenus, peuvent en profiter.

Absence d'augmentation des revenus

Les caractéristiques incorporées au coton Bt ne sont pas garantie sur la durée. Par exemple, la multinationale agricole Monsanto a modifié génétiquement une variété de coton originaire du Burkina Faso pour qu'elle ait des fibres plus longues et un degré d'égrenage plus élevé. Au cours des premières années, les producteurs de coton ont enregistré un rendement de 50% supérieur à celui du coton conventionnel. Mais ce qui a été salué au départ comme une grande réussite de la biotechnologie s'est avéré être un échec à plus long terme : les propriétés d'amélioration du rendement de la plante génétiquement modifiée ne se sont pas concrétisées et la bonne réputation du Burkina Faso sur le marché international du coton a été mise à mal. Le pays a donc décidé de revenir au coton conventionnel et a demandé une compensation financière à Monsanto pour ses grandes pertes - malheureusement sans succès.

Ces exemples montrent clairement que les promesses de vente du coton Bt ne sont pas réalité. Au lieu d'augmenter les rendements et de protéger l'environnement, il en résulte un endettement progressif, une réduction de la sécurité alimentaire, une perte de la diversité variétale et une utilisation accrue de pesticides. Outre l'environnement, ceux qui souffrent sont les petits agriculteurs qui placent leurs espoirs dans la technologie et croient les promesses de multinationales, relayées par des vendeurs de semences sans scrupules. Ce sont eux qui, au final, sont menacés dans leur existence.