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Le forçage génétique à l'assaut de l'agriculture. Image: ETCgroup

Les géants de l’agrochimie ont d’abord modifié les plantes qui constituent la base de notre alimentation et de celles de nos animaux de rente. Maintenant que les consommateurs ne veulent plus manger d’aliments modifiés génétiquement, ces mêmes compagnies s’intéressent à modifier le reste de l’écosystème agricole – les mauvaises herbes, les insectes nuisibles et les pollinisateurs. Une des technologies qui leur permettra d’atteindre ce but est le forçage génétique. Le récent rapport d’ETCgroup sur le forçage génétique liste les futures applications de cette technologie en agriculture et dénonce les dérives et les risques environnementaux qui lui sont associés. Cette technologie et ses applications dans l’agriculture seront au centre des discussions de la convention sur la biodiversité de cette semaine.

Le forçage génétique permet de forcer la propagation, de génération en génération, d’un gène et du caractère qui lui est associé dans des populations entières d'insectes, de plantes, d'animaux et d'autres organismes. La technique de forçage génétique est actuellement basée sur la capacité d’une unité de forçage génétique conçue pour remplacer la version sauvage d’un gène par sa version synthétique à chaque nouvelle génération. Cette unité de forçage, une construction de gènes recombinants mis bout à bout,  contient un élément CRISPR/Cas qui permet le remplacement du gène sauvage par un gène synthétique, porteur du caractère d’intérêt. L’unité de forçage est par définition invasive et la modification qu’elle apporte est irréversible. Une fois libérée, elle ne peut pas être retirée de l'environnement. Aucune solution technique n’est encore disponible pour limiter la propagation dans l’environnement de cette unité de forçage dans l'espace et/ou dans le temps. Par conséquent, cette technique permet de modifier génétiquement une espèce sauvage de manière irréversible.

Le forçage génétique représente donc une tentative délibérée de créer une nouvelle forme de pollution génétique. Jusqu’à maintenant, la transmission du caractère, transportée par l’unité de forçage génétique, est conçue pour être invasive, persister et se répandre. Les applications actuelles consistent à introduire délibérément un gène qui induit la stérilité d’un des deux sexes dans des espèces identifiées comme nuisibles pour les éradiquer. Ces espèces peuvent être des ravageurs des cultures et du bétail, des vecteurs de maladies humaines ou d’espèces envahissantes mettant en péril des espèces au bord de l’extinction. Mais pas seulement. Quelques exemples précis de l’application du forçage génétique au domaine agricole sont donnés ci-dessous, extraits de la brochure d’ETCgroup « Forcing the farm ».

Le forçage génétique est utilisé pour stériliser des vers, des mouches, des mites et d’autres ravageurs des cultures pour les stériliser en lieu et place de pesticides. Les chercheurs proposent d'utiliser le forçage génétique comme outil de sélection pour augmenter la production de viande chez les animaux d'élevage. Des gènes d'auto-extinction sont mis au point chez les rats et les souris, ainsi que chez les coléoptères qui affectent le stockage des céréales. Des brevets ont été demandés pour mettre au point des gènes dans les abeilles mellifères afin de contrôler la pollinisation à l'aide de faisceaux lumineux. Des recherches sont en cours pour mettre au point des gènes dans des espèces de mauvaises herbes communes afin de les rendre plus sensibles aux herbicides comme le Roundup. L’analyse de deux patentes sur le forçage génétique inclus 500-600 utilisations différentes de cette technologie dans l’agriculture, y compris les noms de 310 ravageurs des cultures et l’utilisation de 186 marques d’herbicides et de 46 marques de pesticides.

Comme pour toute technique qui menace la viabilité d’une espèce, les chercheurs ont observé chez les moustiques que certains individus devenaient résistants à la stérilisation, à cause de mutations dans l’unité de forçage génétique. Il est donc possible que les modifications induites dans l’unité de forçage génétique la rendent inactive ou, au contraire, capable de modifier d’autres gènes de manière héréditaire. Cette dernière hypothèse n’a pas été testée mais elle est possible. Dans ce cas, comme l’unité de forçage est conçue pour ne pas disparaître de génération en génération, elle forcerait les moustiques à muter plus rapidement pour mieux survivre, dégénérer ou disparaître. Un fait rend cette hypothèse dangereuse : les limites entres espèces chez les moustiques ne sont pas strictes. Une transmission de matériel génétique a été observée entre moustiques du genre Anopheles qui regroupe plusieurs espèces dont Anopheles gambiae qui transmet la malaria et fait justement l’objet d’un programme d’éradication par forçage génétique. Quel est donc la fréquence de transmission de l’unité de forçage entre espèces ?

En conclusion, le forçage génétique est par essence invasif et irréversible. Son utilisation massive dans l’agriculture représente non seulement une source de pollution génétique mais peut, à long terme, mettre en péril certaines espèces et les équilibres existants entre elles et, donc, représente un danger réel pour la biodiversité. 

DOCUMENTS STOPOGM

  • StopOGM Infos 66
    Nouvelles techniques de modification génétique. Les mêmes promesses qu'il y a 20 ans
    Protéger les espèces à l'aide de manipulation génétiques ?

 

RAPPORT

Dialogue transatlantique des consommateurs, 2017

Commission d'éthique dans le domaine non humain :

Descriptions des techniques et risques

Prise de position de scientifiques

Expertises juridiques et régulation