Le Tribunal Monsanto qui s’est déroulé à La Haye les 15 et 16 octobre 2016 a permis à 24 victimes de la multinationale américaine de faire entendre leur voix devant cinq juges internationaux.
«Au Burkina Faso, le coton transgénique, c’était un choix politique, imposé. La qualité de notre coton s’est beaucoup dégradée, les paysans ont tout perdu. Mais nous sommes en train de chasser Monsanto». Ousmane Tiendrébéogo est venu du Burkina Faso pour témoigner, avec beaucoup d’émotion et de dignité, devant le Tribunal Monsanto. A l’instar de paysans sri-lankais, canadiens, mexicains, étatsuniens, argentins et français qui ont raconté l’empoisonnement de leurs terres, de leur corps, de leur eau par le glyphosate de Monsanto. Et leur quête désespérée de justice face aux dommages subis.
«Monsanto a asséché le marché des semences de coton conventionnel; aujourd’hui, 95% du marché est occupé par les semences de coton Bt de Monsanto, et c’est un désastre pour les paysans. Monsanto nous a menti», a lancé Krishan Bir Chaudhary, un leader paysan indien. Des chercheurs sont également venus à la barre pour témoigner des pressions hallucinantes dont ils ont fait l’objet de la part de la multinationale, après avoir publié des études critiques à l’égard de leurs produits.
Monsanto invitée à participer
Le Tribunal Monsanto est le fruit d’une initiative citoyenne, qui n’a certes pas de statut officiel, mais dont les cinq juges sont de renommée internationale. Après délibérations, ils vont produire, d’ici la mi-décembre, un avis consultatif, après avoir examiné si Monsanto respecte le droit à l’alimentation, à la santé, à la liberté de la recherche scientifique, reconnu par le droit international. «L’objectif de ce tribunal était de faire progresser le droit international des droits de l’homme», a déclaré la présidente du tribunal citoyen Françoise Tulkens, qui fut pendant 14 ans juge à la Cour européenne des droits de l’homme.
Elle s’est réjouie de cette importante initiative de la société civile, qui a pris ses responsabilités pour faire évoluer le droit, afin de permettre aux victimes de multinationales d’obtenir justice. Et se déclare favorable à l’introduction du crime d’écocide au droit international pénal, pour crimes graves sur l’environnement. Elle relève que la multinationale américaine avait été invitée à participer au Tribunal, mais a choisi la stratégie de la chaise vide, préférant dénoncer, dans une lettre ouverte, une «mascarade, dont l’issue est connue d’avance». «Ce que suggère cette lettre est inexacte, relève Françoise Tulkens. Monsanto n’est pas condamnée d’avance, puisqu’elle ne sera pas condamnée du tout. C’est un tribunal pédagogique, dont j’espère qu’il aura une influence sur le droit international des droits de l’homme et permettra des ouvertures pour les victimes ».